Malavita (Benacquista)

Auteur : Tonino Benacquista

Résumé : Une famille d’Américains s’installe à Cholong-sur-Avre, en Normandie. Fred, le père, se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement. Maggie, la mère, est bénévole dans une association caritative et se surpasse dans la préparation des barbecues. Belle, la fille, fait honneur à son prénom. Warren enfin a su se rendre indispensable pour tout et auprès de tous. Une famille apparemment comme les autres, en somme.
Une chose est sûre, s’ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner…

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Sans conteste un des meilleurs livres que j’ai pu lire. La famille d’un ex-parrain de la Cosa Nostra qui débarque dans un village de Normandie, le tout servi avec humour, ça laissait entrevoir de bons moments : Au final c’était même mieux que ça. Le style, l’histoire, les personnages, l’humour… Tout y est, tout pour faire de ce livre un véritable bijou.

 
Jusqu’au moment où on quitte (momentanément) la famille, là je me suis demandé si je n’étais pas dans un autre livre. Benacquista fait alors suivre le parcours d’un petit journal d’école qui voyage à travers le monde, on ne voit pas trop où ça mène jusqu’à la lecture d’un nom familier et là…. la boucle est bouclée, et une fois de plus on applaudit le maître. Bluffant. Et drôle.

 

Comme lu dans une critique « Le sens du rythme et l’imaginaire de Tonino Benacquista fait mouche à chaque moment. On rit beaucoup, même si ce roman se fonde sur une interrogation profonde : la nostalgie du péché est-elle immorale ? »
Et quelques passages pour donner un aperçu (Si je pouvais, je recopierais bien plus que ça..) :

 

Maggie n’en comprenait pas toujours le détail et se demandait pourquoi les rédacteurs tenaient à donner la meilleure place du journal à toute cette triste et banale misère quotidienne. Elle hésita entre plusieurs réponses : la violence de proximité est ce qui intéresse le plus le lecteur qui adore s’indigner ou se faire peur. Ou bien : le lecteur aime à penser que sa ville n’est pas l’antre de l’ennui et qu’il s’y passe autant de choses qu’ailleurs. Ou encore : l’homme rural constate un peu plus chaque jour qu’il subit les inconvénients d’une métropole sans profiter de ses avantages. Il y avait une dernière hypothèse, la plus triste, l’éternel poncif : rien n’est plus passionnant que le malheur des autres.

 

Warren, du haut de ses quatorze ans, avait retenu la leçon de ses aînés. A la proposition d’Archimède « Donnez-moi un point fixe et un levier et je soulève le monde », il préférait la variante mise au point par ses ancêtres, « Donnez-moi du bakchich et un colt, et je règne sur l’humanité ».

 

Les coudes posés de part et d’autre de sa Brother 900, le menton sur ses doigts croisés, Fred s’interrogeait sur les mystères du point-virgule. Le point, il savait, la virgule, il savait, mais le point-virgule ? Comment une phrase pouvait-elle à la fois se terminer et se poursuivre ? Quelque chose bloquait mentalement, la représentation d’une fin continue, ou d’une continuité qui s’interrompt, ou l’inverse, ou quelque chose entre les deux, allez savoir.

 

Al Capone disait toujours : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu’en étant simplement poli. » Cette simple phrase explique pour moi la persistance d’un phénomène comme la mafia à travers les siècles.

 

– Trois mois qu’il s’enferme dans sa putain de véranda, dit-il, tout son vocabulaire doit y passer plusieurs fois par jour.
– Dis que ton père est un analphabète…
– Mon père est un Américain de base, tu as oublié ce que c’était. Un type qui parle pour se faire comprendre, pas pour faire des phrases. Un homme qui n’a pas besoin de dire vous quand il sait dire tu. Un type qui est, qui a, qui dit et qui fait, il n’a pas besoin d’autres verbes. Un type qui ne dîne pas, ne déjeune ni ne soupe jamais : il mange. Pour lui, le passé est ce qui est arrivé avant le présent, et le futur ce qui arrivera après, à quoi bon compliquer ? As-tu déjà listé le nombre de choses que ton père est capable d’exprimer rien qu’avec le mot « fuck » ?
– Pas de cochonneries s’il te plaît.
– C’est bien autre chose que des cochonneries. « Fuck » dans sa bouche peut vouloir dire : « Mon Dieu, quelle panade me suis-fourré ! », ou encore « Ce gars-là va le payer un jour », mais aussi « J’adore ce film ». Pourquoi un type comme lui aurait-il besoin d’écrire ?

 

Dans les films, si on aime que la force soit mise au service du juste, c’est parce qu’on aime la force, pas le juste. Pourquoi préfère-t-on les histoires de vengeance aux histoires de pardon ? Parce que les hommes ont une passion pour le châtiment. Voir le juste frapper, et frapper fort est un spectacle dont on ne se lassera jamais et qui ne crée aucune culpabilité.

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